28 novembre, Ngoy Mulunda :
Le dangereux flop!
Des balles, des morts, des blessés, des bulletins de vote cochés sur le candidat n°3 à la présidentielle et sur les députés de la majorité, des bulletins sans case du candidat n° 11, des militaires et policiers votant, des électeurs omis, des bureaux de vote délocalisés, des centres de vote inexistants, des bureaux fictifs dans des maisons des candidats, des témoins et observateurs chassés de bureaux de vote à coup de balles, des procès-verbaux ravis et déchirés, d’autres procès-verbaux signés d’avance, des urnes bourrées et amenées dans des centres de compilation dont les adresses ne sont connues ni des électeurs, ni des candidats, ni des témoins… Telle est l’ambiance des élections de Ngoy Mulunda du 28 novembre 2011.
Le présent article est rédigé à partir du constat fait dans le centre de vote où nous avons joui de notre droit civique en participant aux élections présidentielle et législative, mais aussi et surtout sur base du monitoring de certains médias audiovisuels, dont RTNC1, CANALKIN TV, TV5 et principalement, la bien nommée Radio OKAPI.
Exceptionnel engouement
Bien que le tableau tel que peint à partir du monitoring soit globalement sombre, il sied toutefois, d’entrée de jeu, de relever l’exceptionnel engouement des congolais qui se sont présentés massivement et de bonne heure, dans les différents centres de vote, s’acquitter de leur devoir civique. Partout, ils ont été décrits motivés, déterminés et disciplinés. Et même la pluie qui s’est invitée dans plusieurs coins du pays, n’a pas eu raison de leur bonne disposition.
Des fleurs aussi aux partis politiques et à la société civile qui ont mobilisés des témoins et observateurs tellement nombreux que l’espace des bureaux n’a pas pu les contenir tous.
Il serait également injuste de ne pas tirer notre chapeau à tous ces agents de la CENI qui se sont dépassé pour délivrer une performance au-dessus de la moyenne, en dépit d’une organisation bancale dans laquelle ils se sont trouvés embarqués par l’amateurisme et l’arrogance de leur leadership.
Mention ‘‘EXCELLENT’’ surtout aux agents de la CENI Bas Congo d’où aucun incident notable n’a été signalée à l’heure. Hormis, à Mbanza Ngungu, le retard d’ouverture du centre 10862 de la mission protestante CFBC, retard du à la tentative d’évasion des détenus de la prison situés à 200 mètres du centre.
Retard d’ouverture, insuffisance et absence de matériels de vote
‘‘Si on nous a avait dit que nous regretterions Malu Malu…’’, soupire à côté de moi un jeune homme avec qui nous poireautons depuis 6 heures devant notre bureau de vote 170045 au centre Pasteur MULUDIKI, à Lemba/ Salongo. ‘‘Nous ne l’aurons jamais cru’’, complète une dame qui dit être là depuis 5 heures. Et pourtant, Ngoy Mulunda, président de la CENI, affirmait, répétait, à temps et à contretemps, que partout, au même moment, tous les bureaux ouvriraient à 6 heures. Notre bureau a ouvert à 8 heures, donc deux heures de retard !
Du monitoring réalisé, les correspondants et reporters de différents médias, à travers le Congo, rapportent, globalement et malheureusement, la même triste réalité : pas de matériels de vote dans plusieurs centres à Kananga, Lubumbashi, Kasongo Lunda… il se trouve de bureaux sans isoloirs, des isoloirs sans couvercles, d’autres sans urnes, d’autres encore sans bulletins de vote en nombre suffisant, ou sans bulletins du tout.
Nous nous limiterons à relever un échantillon de cas les plus préoccupants. Si au centre Bubanji, Mbuji Mayi, Kasaï Oriental, les bureaux ont ouvert à 10 heures 55’, soit presque 5 heures de retard, et qu’à Beni et à MINOVA, il a fallu attendre jusqu’à 12 et 13 heures pour voir les bureaux ouvrir, à Bongandanga, dans l’Equateur, les bureaux ne sont pas encore ouverts jusqu’à 11 heures 30’, les matériels de vote n’y étant toujours pas acheminés. Même situation à Masina Sans Fil, Kinshasa, et à Kasongo Lunda, Bandundu, où les électeurs continuent à attendre, à 15 heures, les matériels de vote. Les opérations de vote ont du être prolongées d’une journée sur tout l’ensemble du pays, beaucoup de centre n’ayant pas ouvert ce 28 novembre 2011.
Plus grave encore, il est signalé dans plusieurs centres de vote à Ngandajika, Kamiji et partout ailleurs au Congo, d’inquiétants arrêts dus à l’épuisement des bulletins de vote.
Le calvaire des omis
Dans le Congo profond et même à Kinshasa, beaucoup d’électeurs ont eu la désagréable surprise de ne pas retrouver leurs noms sur les listes électorales. Ngoy Mulunda s’était fait bonne conscience en conseillant aux électeurs, à travers la radio et la télé, de chercher les informations sur le site de la CENI et par SMS à l’aide de leurs téléphones portables. Comme si la couverture électrique, téléphonique et Internet atteignait ne serait-ce que 20% de la population!
C’est comme si tout était fait pour frustrer les gens, les pousser au découragement et leur faire abandonner. Comment ne pas le penser quand, à travers tout le pays, les chefs des centres et de bureaux de la CENI passent outre la directive de Ngoy Mulunda de faire voter les omis par dérogation?
Là où la CENI pousse le bouchon très loin, c’est quand certains de ses responsables incriminent les électeurs pour être allés consulter leur noms le jour même du vote. Comment les électeurs auraient-ils soupçonné des problèmes alors que, lorsque les Tshisekedistes se faisaient tuer pour réclamer l’audit du fichier électoral, Ngoy Mulunda déclarait, main sur le cœur, que tout allait bien comme dans le meilleur des mondes?
Délocalisation
Nombre d’électeurs ont trouvé, le jour du vote, leurs bureaux délocalisés et se sont fait trimbaler sur des distances allant de 15 à 30 kms, par les membres de la CENI. A Bunia seulement, plus de 5000 électeurs se font promener d’Hérode à Pilate sans savoir à quel saint se vouer. Et parmi ces gens, beaucoup de personnes du troisième et quatrième âge, les personnes vivant avec handicap, les femmes enceintes ou portant des bébés sur les bras… D’aucuns se sont découragés et ont regagné leurs domiciles, dans l’indifférence totale des agents de CENI. D’autres par contre, sont montés sur leurs grands chevaux et exigé qu’ils soient inscrits sur la liste de dérogation du bureau le plus proche.
Questionnable transparence et précaire sécurité
Je suis assis à côte de mon collègue le Pasteur KADIMA lorsqu’il lit un texto lui envoyé de Mbuji Mayi : ‘‘Ici, les urnes sont en train de se faire bourrer sérieusement’’.
A Kinshasa, et dans le reste du pays, tout se passe comme si, en lieu et place d’élections, on avait plutôt préparé une fraude électorale à large échelle. Des bureaux de vote, dont celui situé sur la rue TUANA à Lemba, refusent l’accès aux témoins. Des bulletins de vote à l’élection présidentielle cochés sur un candidat dont les journalistes de CANALKIN n’ont pas voulu citer le nom pour des raisons évidentes de leur sécurité. Des sérieuses autres irrégularités sont par contre signalées dans la journée sur l’ensemble de la ville. A Masina, des policiers sont surpris transportant des bulletins de vote dans un chariot. Et des bourrages d’urnes signalés par ci par là par plusieurs responsables politiques. Tshangu, district le plus chaud de Kinshasa et fief de l’opposition, a passé la nuit sous couvre-feu.
A Mbandaka, juste après la sortie de BAENDE, Gouverneur de Province, les témoins de l’opposition ont été forcés de sortir du bureau. Ce qui a soulevé la population qui a suspecté une tentative de bourrage d’urnes. Toujours à Mbandaka, deux dames se sont fait lyncher par les électeurs : l’une étant trouvée en train de cocher des bulletins de vote, et l’autre achetant des cartes d’électeurs.
A Kananga, dans le Kasaï Occidental, des bureaux de vote ont été incendiés à cause de bulletins de vote trouvés cochés sur le président sortant. Alors qu’à MWEKA, connu comme le plus fidèle fief d’Etienne Tshisekedi, la tension a été des plus vives, quand les électeurs ont constaté des bulletins de vote, cochés sur le n° 11, sortis des urnes et déchirés. Même situation à Mbuji Mayi où une église a été incendiée par les électeurs du centre situé en son enceinte pour y avoir trouvé des bulletins cochés sur les numéros des président de la république et gouverneur de province sortants, alors que sur plusieurs bulletins, la case du candidat n° 11 a été carrément coupée.
Quand les militaires s’invitent à la fête
Comme les FDLR à Shabunda en 2006, en beaucoup d’endroits du Grand Kivu, les militaires et policiers ont voté. Ils ont fait irruption dans les bureaux de vote, ravis les cartes d’électeurs et coché le candidat de leur choix. Et quand il n’y a pas assez des cartes, ils prennent eux-mêmes les bulletins de vote, cochent sur le candidat n° 3, et les placent dans l’urne.
Quant à Faradje, le cœur n’est vraiment pas au vote. La veille, un groupe d’hommes armés ont fait incursion dans la cité, tué un homme et enlevé six de ses enfants qui ont été retrouvés plus tard dans la brousse.
Au Katanga, à Lubumbashi, dans les communes de Kenya, Kampemba et Katuba, des hommes armés cagoulés ont attaqué des bureaux de vote, tué et blessés des électeurs, des militaires et des policiers, emporté des bulletins de vote et brûlé d’autres cochés sur la case 11: urnes. Beaucoup de femmes ont été surprises avec des bulletins de l’élection présidentielle cochés sur le président sortant. Ce qui a poussé les électeurs à incendier des bureaux de vote et à blesser des policiers. A Likasi, une présidente de bureau de vote et un témoin ont été mis aux arrêts pour fraude.
Alors que le cri de guerre de campagne du candidat n° 3 était Na Raïs, 100% sûr, il est troublant de constater que tous les cas de fraude et de tricherie, sont soit pour son compte, soit pour celui de ses candidats députés. L’incident le plus cocasse : à Kabare, les bulletins de vote sont déployés, dans les centres et bureaux, par un candidat PPRD à bord de son véhicule.
Il est plus qu’inquiétant que l’on trouve des militaires et policiers pour tirer à bout portant et à balles réelles sur les militants de l’opposition pour les empêcher d’accueillir leur candidat, alors qu’on ne manifeste pas le même zèle quand il s’agit de placer les agents de sécurité sur les sites de vote.
Les graves irrégularités résumées ici proviennent essentiellement de la RADIO OKAPI dont les correspondants et reporters continuent à donner en temps réel, les faits vérifiables sur terrain. Si une chose est de reconnaître la crédibilité de cet organe de presse qui ne souffre d’aucune contestation, une autre est de voir les fameux observateurs de la SADC et de la communauté internationale qui se sont limités à quelques centres, lui emboîter le pas.
Car comme en 2006, la fameuse communauté internationale a déjà voté son candidat, toujours le même, qu’elle donne pour grand favori, sur un sondage dont la source n’est connue que d’elle seule.
Anthony Katombe