Un mot de Baudoin A. Wetshi de Congo Indépendant
Silence coupable
Depuis plusieurs jours, la province du Nord-Kivu fait face à une nouvelle action de déstabilisation menée par des soldats censées appartenir aux Forces armées de la RD Congo portant le label « RCD-Goma ». Cette partie du pays a été attaquée par pas moins d’un millier d’hommes puissamment équipés. Pas moins de 20.000 citoyens congolais ont fui leurs habitations pour se réfugier en Ouganda. A Kinshasa, c’est le silence plat. On aurait souhaité voir le chef de l’Etat, en sa qualité de « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire national et de la souveraineté nationale » (alinéa 2 de l’article 68 de la Constitution de la transition), s’adresser à la nation. D’abord, pour circonscrire le problème. Ensuite, pour rassurer la population sur les dispositions prises par le gouvernement pour éradiquer le danger et rétablir la paix civile. Que sont devenues les fanfaronnades présidentielles d’installer la présidence de la République et l’état-major général de l’armée à Bukavu afin de s’occuper « personnellement » des « forces négatives » ? On semble souvent oublier dans nos contrées la politique est indissociable avec l’action. On semble oublier également qu’un gouvernant est avant tout un serviteur de l’intérêt général. Et que les privilèges et avantages qui lui sont accordés ne peuvent être justes et légitimes que lorsqu’il y a une contrepartie en termes de services rendus à la collectivité. Question : à quoi servent ces hommes et femmes qui gouvernent le Congo? Est-ce uniquement pour faire sentir à leurs concitoyens le poids de leur autorité ? Est-ce pour parader avec une escouade des gardes du corps ou en gênant la circulation par des cortèges ubuesques ? En tous cas, le silence affiché jusqu’ici par les membres de l’espace présidentiel - et les députés - cache mal un sentiment de culpabilité. Nombreux sont, en effet, des hommes politiques qui ont passé des « pactes contre nature » pour satisfaire des ambitions égoïstes. Il ne fait l’ombre d’un doute que l’action menée à Rutshuru vise à perturber le processus électoral. Pour atteindre quel but ? Est-ce pour empêcher, comme il se dit, l’adoption d’une loi électorale susceptible de « désavantager » des personnalités congolaises ayant tissé des liens de subordination avec le régime de Kigali ? « Rutshuru » a au moins le mérite de confirmer la « loyauté à géométrie variable » des animateurs des institutions de transition vis-à-vis de l’Etat congolais dont ils sont censés servir. Aucun homme politique n’a osé prendre la parole pour dénoncer la duplicité des responsables du RCD-Goma. Est-ce au nom du principe de « non conflictualité » contenu dans l’Accord dit global et inclusif ? Dans l’affirmative, ce principe ne devient-il pas une menace pour l’existence même de l’Etat par l’impunité qu’il consacre ? Le 17 mai 1997, les Kinois avaient applaudi l’arrivée des « libérateurs ». Force est de constater que, par leur naïveté et leurs dissensions internes, les Congolais ont ouvert leur porte à un nouveau type de « colonisateurs ». Des colonisateurs africains. Les provinces congolaises du Sud et du Nord Kivu sont en passe de devenir des colonies du régime rwandais. Le district de l’Ituri se trouve, lui, sous l’empire du régime ougandais qui y fait la pluie et le beau temps. Depuis le 30 juin 2003, au nom de l’Accord global et inclusif, la RD Congo est gouverné par une majorité d’hommes et de femmes sortis du néant. Des hommes et des femmes dont le passé reste un mystère pour leurs concitoyens. Jusqu’à quand va-t-on tolérer cette imposture qui menace gravement la souveraineté nationale?
B. Amba Wetshi