Affaire Kutino : Le PPRD crée un nouveau leader
Kinshasa, Dimanche 14 mai 2006, 13h30’, juste après son culte d’actions de grâce fort réussi, au Stade Tata Raphaël, Kutino Fernando, Pasteur de l’église Armée de Victoire et initiateur de l’opération ‘‘Sauvons le Congo’’, est enlevé à son église, par des policiers vers une destination inconnue, annonce l’ONG de défense de droits de l’homme, La Voix des Sans Voix.
Mais qui a donc foutu le PPRD dans un tel merdier ?
Telle est la question que n’a pu s’empêcher de se poser plus d’un observateur à la suite du kidnapping du pasteur Kutino. Pour un merdier, c’en est vraiment un et on se demande comment le PPRD va bien faire pour s’en sortir sans vraiment perdre la face. Le très excellent Kimbembe, ce sympathique gouverneur de la ville de Kinshasa et membre du PPRD, s’est débattu comme le diable dans un bénitier pour expliquer la privation de liberté du ministre du culte. Sans trop de conviction, Kimbembe, dans le rôle du ministère public, a égrené les faits retenus à charge de kutino.
Effets militaires et armes de guerre pour opérer un coup d’Etat !
Selon Kimbembe, une perquisition opérée à l’église de Kutino aurait donné lieu à la découverte d'effets militaires et armes de guerre. Seulement, Kimbembe ne donne aucune précision ni sur le type de ces armes ni sur leur quantité. La seule arme qu’il aurait pu exhiber a été vite récupérée, à la suite des cris des dames en prière, par le policier qui a voulu la laisser à l’église, comme pièce à conviction.
Et si après tout armes il y aurait, le gouverneur explique encore moins comment ces armes ont pu échapper au contrôle douanier et arriver à l’église de Kutino, dans la très ‘‘sur militarisée’’ ville de Kinshasa. Et de fil en aiguille, le premier citoyen de la ville passe des armes aux militaires, dont il voit deux du MLC, dans l’entourage de Kutino. Aux dires de Kimbembe, l’un de ces deux militaires aurait été impliqué dans la tentative du coup d’Etat de la pentecôte 2003 dont les conclusions de l’enquête se font encore attendre à ce jour.
Des armes dans une Eglise ? Deux militaires de Jean-Pierre ? Un coup d’état ? Mais pourquoi Kimbembe accepte-t-il de jouer pareil rôle ? Se demandent nombre des kinois auprès de qui Kimbembe a très bonne presse.
En effet, l’opinion connaît son gouverneur plus brillant que ça et ne saisit pas très bien cette histoire d’armes dans une église et le reproche de la présence des militaires du MLC au culte. On savait les hommes en arme apolitiques, mais pas areligieux, quand même ! Comment leur présence à un culte peut-elle faire partie du chef d’accusation contre Kutino ? Et même s’il y avait un quelconque lien entre Kutino et Jean-Pierre Bemba et qu’en personne, ce denier avait assisté au culte de dimanche, quelle loi de la république s’en serait trouvée énervée ? Est-il interdit à Kutino d’avoir des convictions politiques, même si ces dernières seraient proches de Ngbanda, comme on l’entend dans les milieux proches du PPRD ?
N’est-il pas étonnant de voir le reproche fait à ce malheureux Kutino d’avoir accepté la présence de ces deux militaires du MLC à son culte alors que personne au PPRD n’avait trouvé à redire au sujet de la présence remarquée et remarquable de deux hauts magistrat de la Cour Suprême de Justice lors du très médiatique congrès de ce parti tenu à la Fikin ?
Cette maladroite allusion faite aux deux militaires du MLC laisse plus d’un perplexe, dans la mesure où, à chaque fois qu’il est reproché aux ex-belligérants de garder encore par devers eux leurs militaires, le PPRD est le premier à arguer que tous les éléments ont été mis à la disposition de la république. Kimbembe serait-il là en train de révéler le pot aux roses ? Dans l’affirmative, les 1500 hommes de la force européenne suffiront-ils à protéger les congolais des épines des roses non brassées des composantes ex-belligérantes, à l’issue d’une élection assurément contestée ?
Incitation à la révolte et à la haine
Les Kinois qui ont suivi la transmission du culte de Kutino sur CCTV, se demandent où leur gouverneur est allé chercher ses propos d’incitation à la révolte et à la haine. Peut-on raisonnablement assimiler à l’incitation à la haine l’appel lancé par Kutino aux congolais de barrer la route aux étrangers et de tenir des négociations pour aller aux élections dans un climat apaisé ? Au mois d’avril dernier, ont été entendus, de la très puissante Eglise catholique, de ses trois bouches les plus autorisées, le même appel au dialogue et la même dénonciation de la présence d’étrangers dans les institutions et au somment de celles-ci.
Pourquoi la police n’est-elle pas allé profaner ‘‘Notre Dame de Lingwala’’, déshabiller et enlever Mgr Monsengwo et le Cardinal Etshou ?
Quand Mzee meurt pour la deuxième fois
N’a-t-il pas toujours été dit jusqu’ici aux congolais, par le PPRD, que Mzee Laurent D. Kabila a payé de sa vie sa lutte pour l’affranchissement total du peuple congolais du joug de l’étranger occidental et africain ? Au lendemain de la signature de l’AGI (Accord Global et Inclusif), et pendant une bonne partie de la transition, le PPRD n’a-t-il pas passé le clair de son temps à mettre le peuple en garde contre des étrangers ruandais, pour la plupart, qui seraient dans les rangs du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), composante dirigée par M. Azarias Ruberwa, vice-président de la république, proche de Kigali ?
D’où vient-il maintenant que le discours sur l’appropriation par le congolais de sa terre et de son destin, discours jusqu’ici cher au PPRD, devienne aujourd’hui assimilable à une incitation à la révolte et à la haine ? D’où vient-il que le PPRD soit le seul milieu à s’agiter lorsqu’il est fait mention d’étrangers, au moment où même au RCD, on affiche une normale sérénité ? D’où viennent cet amour et ce souci de défendre les étrangers au point de soumettre les congolais à toutes sortes de dégradants sévices ? Pouvait-on imaginer pareil comportement et pareille utilisation de la force publique du vivant du Mzee dont le PPRD se dit perpétuer l’idéologie ?
Lorsque plus de 50.000 étrangers sont détectés parmi les électeurs, après seulement un examen partiel du fichier électoral, peut-on raisonnablement exclure la possibilité de la présence d’étrangers dans les institutions de la république ? Poser la question et appeler ses compatriotes à la vigilance, est-ce vraiment passible de toute cette humiliation que le PPRD fait subir à l’homme de Dieu ?
Pour les observateurs avertis, le PPRD commence sérieusement à faire peur par son instrumentalisation des services de l’ordre, et d’aucuns se posent la question de savoir comment se comporterait ce parti si son candidat échouait à l’élection présidentielle. Ceci dans la mesure où maintenant que tout parti et tout candidat se doivent de courtiser les électeurs, paradoxalement, toute manifestation est réprimée dans une violence inqualifiable.
Les congolais de Kolwezi manifestent contre le manque d’eau et d’électricité ?
Seule réponse : répression brutale et aveugle, des morts, dont une dame et ses deux enfants.
A Tshikapa, la population s’insurge contre la vente sauvage de ses terres à des étrangers ?
Même réponse : répression brutale et aveugle, et encore des morts.
En Belgique, en France, en Afrique du Sud, … les congolais sont traqués, entassés comme du bétail dans des centres fermés, en instance de refoulement. Mais au Congo, les étrangers débarquent chaque jour, sans même un visa d’entrée, s’installent et évoluent le plus tranquillement du monde, grâce à l’hospitalité légendaire du congolais. Ils vont même jusqu’à abuser de cette hospitalité en voulant jouir des droits politiques en se faisant électeurs et éligibles.
Quels sont alors ces congolais qui trouvent normal que leurs frères soient fouettés, déshabillés, enlevés, et incarcérés, sur la terre de leurs ancêtres, seulement parce qu’ils veulent jouir du même droit de peuple souverain dont les belges, les français et les sud-africains jouissent chez eux ?
Aucun, logiquement, car pour l’opinion, de même qu’hier, Mobutu a ‘‘aidé’’ Tshisekedi, en le martyrisant, à se faire connaître du peuple ; aujourd’hui, Kabila et le PPRD, à travers le supplice qu’ils font subir à l’homme de Dieu, envoient un message que le peuple décrypte : Congolais, voici ton autre leader !
Ce n’est en tout cas pas le vice-président Bemba qui dira le contraire. Lundi 15 mai 2005, l’homme est allé réconforter Kutino dans sa cellule. Belle surprise pour le Chairman : à l’aller, comme au retour, une foule compacte a pris d’assaut l’ex avenue du 24 novembre. A l’entrée de la prison centrale de Makala, même constat : une foule immense. Aussi bien sur le parcours qu’à la prison, la foule crie à tue-tête : ‘‘Bemba, Muana Congo’’ (Bemba, fils du Congo) et ‘’Libérez Kutino’’
Heureux donc qui comme Bemba a fait un bon pèlerinage à Makala d’où il est revenu avec une belle réconciliation d’avec cette population qui le battait froid depuis 2005 à la suite de sa sortie malheureuse au cours de laquelle il menaça les Kinois de représailles à l’approche du 30 juin.
Et maintenant, le peuple est dans l’attente de la réaction des caciques du PPRD car, à n’en pas douter, le bain de foule spontané du Chairman à Makala risque d’être interprété comme un affront.
Et dans tout cela, le 30 juin 2006 approche à grandes enjambées…
Anthony Katombe
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