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Prince du Fleuve Congo
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20 septembre 2006

Incendie télévisuel

Bemba : un incendie par campagne électorale

Kinshasa, Boulevard du 30 juin, lundi 18 septembre 2006,  15  heures 35.

De la fenêtre de son bureau, l’auteur voit s’élever une grosse fumée sur l’Avenue du Port, perpendiculaire au boulevard. Au même moment, toutes les voitures des agents qui étaient dehors sont rentrées précipitamment dans le parking intérieur. Pris de panique, l’auteur lève les stores, ouvre la fenêtre pour s’enquérir de la raison de ce remue-ménage. Les chaînes de Bemba, apprend-t-il, ont pris feu !

Aussitôt, une version lui est servie par un collègue. Les agents de RALIK, CCTV et CKTV auraient entendu un monsieur en costume cravate qui dévalait les escaliers de leur immeuble dire à un correspondant au téléphone : ‘‘Mission accomplie’’.  Des têtes se secouent en signe de compassion au ‘‘Chairman’’. Pour le groupe qui s’est formé en moins de cinq minutes, point besoin d’enquête. La nature et l’origine de l’incendie sont naturellement toutes à chercher dans le camp adverse, le camp du président sortant.

Tous les téléphones des leaders du MLC sont éteints, ce qui ne fait que renforcer la suspicion. Une descente sur le terrain s’impose pour se faire une religion plus exacte de ce malheur qui vient de frapper encore le ‘‘Muana Congo’’.

Avenue du Port. Du coin du Boulevard du 30 juin jusqu’au siège des médias MLC, la confusion est totale. Le périmètre est noir de monde. Shégués (enfants de la rue), shayeurs (petits vendeurs à la criée), employés des sociétés voisines, passants, … tout le monde parle au même moment. De toutes les bouches, des imprécations contre le président sortant et son camp, accusés d’être à l’origine du feu. Chaque groupe a son histoire et son rapporteur.

Ici, sur l’origine du feu, on apprend que deux messieurs sont venus proposer à la vente à Monsieur KITUTU O’LENTWA, Directeur Général, deux unités centrales d’ordinateur piégées qui auraient explosés une fois mis sous tension, brûlant grièvement le DG. Les deux malfaiteurs auraient aussitôt vidé les lieux en rendant compte par téléphone de la réussite de leur mission. Là, on apprend qu’un visiteur suspect venait à peine de sortir du bureau du DG que son climatiseur explosait.

Plus loin, un monsieur en costume et cravate raconte avec grands gestes qu’un député, Monsieur Kasongo Numbi, de l’AMP (Alliance pour la Majorité Présidentielle), plate-forme de Kabila a fait exploser, dans le bureau du DG, un ordinateur piégé après y avoir pianoté pendant quelques minutes.

Difficile d’apprendre quelque chose des journalistes et leaders MLC et alliés trouvés sur place. Leurs voix et regards trahissent un inquiétant agacement et une menaçante suspicion à la moindre question posée.

L’immeuble continue de brûler et les agents s’activent pour sauver ce qu’ils peuvent. Mais l’essentiel, avouent-ils impuissants, est parti en fumée. Pendant ce temps, dans un concert de chants pro Bemba et anti-Kapila, le camion anti-incendie de l’ONATRA essuie les jets de pierre des manifestants pour être venu alors que le feu avait déjà eu raison du cœur des chaînes dont les Kinois sont tombés amoureux. Celui de l’Hôtel de ville de Kinshasa, appelé au secours dès le déclenchement de l’incendie, a aussi subi le même sort pour avoir mis plus de 30 minutes à se présenter, délai qui a été fatal à l’empire audio-visuel MLC.

Le nombre de manifestants va rapidement croissant et la tension atteint son paroxysme. Du rond-point forescom, des chars de la MONUC avancent vers le siège MLC à vive allure et tentent de se frayer un passage parmi la foule. Ce qui énerve les manifestants qui font pleuvoir dessus des jets de pierre nourris. Les soldats de la paix, qui n’ont jamais réussi à gagner les cœurs des Kinois, prennent la mesure du danger. Les armes sont chargées et les canons des chars pointés sur les manifestants. Du fusil d’un soldat, quelques coups des balles sont tirés en l’air pour essayer de dissuader la foule.

Peine perdue, c’est le contraire qui se produit. Les pierres pleuvent de plus belle sur les bérets bleu ciel. Des soldats se terrent dans les chars, d’autres bougent avec nervosité leurs armes. Les leaders du MLC et les responsables de la MONUC s’interposent pour calmer les deux camps.

Plus tard aux infos télé, on n’apprend rien de plus. Sinon la demande d’une enquête rapide pour déterminer l’origine et la nature de l’incendie. Encore une enquête, alors que se font toujours attendre les résultats des celles initiées avec grands bruits sur l’incendie de la résidence de Bemba le 27 juillet 2006, incendie qui s’était soldé par la perte des biens et des vies humaines, dont un bébé calciné ; et sur l’attaque de ses chaînes et de sa résidence les 20 et 21 août par les GSSP, la garde de Kabila, attaque au cours de laquelle l’hélicoptère du Vice-président est parti en fumée et 14 ambassadeurs des pays membres du CIAT (Comité International pour l’accompagnement de la Transition) ont été soumis à un feu nourri des balles kabiliennes.

L’épreuve de feu continue donc pour le ‘‘Muana Congo’’ avec une série de coïncidences des plus troublantes. L’opinion se souvient encore que l’incendie de sa résidence le 27 juillet 2006 faisait suite au survol d’un avion mirage de l’Eufor. Celle du 18 septembre 2006 a coïncidé avec la présence du député AMP Kasongo Numbi dans les installations des chaînes MLC où il s’était rendu, avec son PC, pour enregistrer un droit de réponse. Le doute n’a pas pu profiter à l’accusé qui a failli passer de vie à trépas des suites des coups subis de la part des agents soupçonneux.   

Plutôt que d’attendre les hypothétiques conclusions d’une énième enquête, les Kinois, dans leur écrasante majorité, ont décidé que tant de coïncidences ne sont pas fortuites. L’opinion fait de plus en plus son chemin que les adversaires, ayant échoué à intimider le nouveau leader congolais, voudraient maintenant par toutes sortes de provocations, le pousser à la faute, pour qu’à son tour, comme l’autre, il puisse se discréditer, aux yeux de l’intournable opinion occidentale, véritable faiseuse des rois africains.   

Kinshasa, Boulevard du 30 juin, mardi 19 septembre 2006, de 10h30’ heures à 14 heures. Les shégués décrètent qu’un incendie par campagne, c’est trop. Ils investissent la chaussée, de la SONAS à l’alimentation EXPRESS, où ils érigent des barricades et allument des pneus. Les policiers de roulage se font même chasser de leur siège. 

Les policiers antiémeutes sont accueillis par une pluie des pierres. À distance respectable, sur leurs chars, assagis par les pierres de la veille, les soldats de la MONUC observent, comme ils savent si bien le faire depuis leur arrivée au Congo.

Anthony Katombe

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