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Prince du Fleuve Congo
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17 septembre 2010

Lettre Ouverte au sujet du Rapport sur la RDC

Lettre ouverte au Secrétaire Général des Nations Unies

Par le pasteur Buangi Makebo Puati

Concerne : Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves de droits de l’homme et du droit humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo

A Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies

Ban Ki-Moon

Siège des Nations Unies

10017 New York

USA

                                                                                              Lausanne, le 14 septembre 2010

Monsieur le Secrétaire Général,

Permettez-moi de vous adresser cette lettre ouverte à la veille de la publication officielle du Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves de droits de l’homme et du droit humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Le signataire de la présente lettre que je suis n’est pas seul, des millions de Congolaises et de Congolais à travers le monde s’y reconnaissent.

La République Démocratique du Congo, mon pays, est entrée dans ce présent siècle dans les larmes et le sang. Théâtre des pires crimes commis depuis la Seconde Guerre mondiale, la RD du Congo a non seulement été ignorée par la communauté internationale depuis plus d’une décennie, mais pire, elle a été victime d’un vaste complot dont les racines trouvent leur source dans la voracité de grandes démocraties occidentales et leurs ramifications sous-traitantes opérant en terre africaine dont les principaux sont à Kigali, Kampala et Bujumbura.

Après une longue dictature de plus de trente ans qui avait fini par anémier l’économie du Congo-Zaïre, désorganiser les structures politiques et sociales, mis à bas la capacité de défense de toute une nation, nous avions pensé à tort que les assisses de la Conférence Nationale Souveraine CNS) allaient enfin nous sortir du cauchemar du régime du Maréchal Mobutu. Il n’en fut rien.

Les puissances extérieures qui nous tiennent dans les chaînes depuis 5 siècles et prétendent, à chaque carrefour de notre histoire, détenir les bonnes solutions pour notre peuple ont, en 1996, usé de leur prestige politique, de leur pouvoir financier et de leur puissance militaire pour armer des pays voisins dans une organisation hétéroclite composée de l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération (AFDL), de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) et les Forces Armées Burundaises (FAB) avec à sa tête un faire-valoir Congolais, le nommé Laurent-Désiré Kabila. Assassiné très rapidement en janvier 2001 parce qu’il ne voulait plus poursuivre la réalisation du plan d’asservissement du peuple congolais et du pillage systématique de son pays par des puissances étrangères, « Joseph Kabila », un homme incompétent, au passé flou, à la biographie déficitaire a été, sans processus démocratique, placé à la tête du Congo. En 2006, à la suite d’un scrutin truqué, organisé par l’étranger avec l’argent de l’étranger, M. « Joseph Kabila » a été adoubé et légitimé. Le seul mérite de cet homme c’est de ne pas comprendre et maîtriser les grands enjeux internationaux pour mieux défendre les intérêts des Congolais et la place de la RD du Congo sur l’échiquier mondial.

La guerre déclenchée en 1996 par la coalition AFDL/APR/FAB n’a véritablement jamais pris fin. La terreur exercée sur les populations réfugiées hutu et congolais autochtones a depuis longtemps dépassé tout ce que j’ai pu voir d’atroce que l’homme peut commettre. Nous, Congolaises et Congolais, avons longtemps crié dans le désert. Personne ne nous entendait. Le gouvernement congolais a brillé par son incapacité à sécuriser nos populations. Il a multiplié les signes de sa complicité avec les pays agresseurs dont le Rwanda en intégrant les unités militaires rwandaises au sein de l’armée nationale. C’est ainsi qu’en janvier 2009, un criminel comme BOSCO NTAGANDA a rejoint l’armée congolaise en dépit du mandat d’arrêt de la CPI lancé contre lui en date du 22 août 2006. De même, LAURENT NKUNDABATWARE, après avoir longtemps sévi et endeuillé plusieurs milliers de familles congolaises et hutu, a été mis à l’abri par le gouvernement rwandais, sans que son compagnon d’arme, le nommé « JOSEPH KABILA », président de la RD du Congo n’exige son extradition pour qu’il soit jugé à Kinshasa. La Monusco, la mission de maintien de la paix la plus importante de toute l’histoire de l’ONU, dépêchée sur le terrain, a montré ses limites et ses failles. La dernière preuve patente en date c’est le viol en une nuit de plus de 200 femmes et fillettes à LUVUNGI par des bandes armées à quelques kilomètres d’une base des Casques Bleus.

Le Rapport du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme à paraître en octobre prochain, et dont la fuite nous a fait connaître le contenu, montre l’étendue des crimes commis en RD du Congo de mars 1993 à juin 2003. L’implication de l’Armée Patriotique Rwandaise dans ces crimes est clairement démontrée. La chasse et l’abattage systématique des réfugiés hutu en territoire congolais par l’APR/AFDL sont eux aussi étayés par des témoignages fiables. Nous savons aussi qu’en comptant plus largement, les réfugiés hutu de 1994 en RD du Congo n’ont jamais dépassé les 2 millions. Or l’organisation Human Watch Rights fait état de plus de 5,4 millions de morts dans l’Est de la RDC depuis que le président Kagame avait lancé ses troupes à l’intérieur des frontières congolaises en 1996. Il devient donc clair que les hutu n’étaient pas les seules victimes de la politique génocidaire du président Kagame. Les Congolais ont payé et paient encore aujourd’hui le plus lourd tribut des atrocités de l’APR/AFDL au Kivu et de l’armée ougandaise et sa rébellion, le LRA dans l’Ituri.

Monsieur le Secrétaire Général,

Permettez-moi d’évoquer une question importante souvent oubliée par la plupart des observateurs et analystes de la situation dramatique qui prévaut dans la région des Grands Lacs africains. L’univers idéologique du président Paul Kagame trouve sa substance fondamentale dans l’anthropologie du 19ème siècle. Avant l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne, les théories qui ont engendré le nazisme étaient déjà appliquées aux populations colonisées d’Afrique, d’Amérique et d’Asie et ne choquaient personne en Occident. Au Rwanda, colonie allemande puis belge, ces théories raciales avaient persuadé les Tutsi, Nilotiques, qu’ils étaient supérieurs aux Hutu, Bantous. Par son nez aquilin, ses lèvres moins charnues, la finesse de son visage et la forme de sa tête, le Tutsi était déclaré plus proche de l’homme parfait, le Blanc, Européen et chrétien et donc plus intelligent que le Hutu. Les Tutsi avaient fini par intérioriser cet enseignement et ont méprisé et infériorisé les Hutu. Le président Kagame croit encore à cette idéologie, raison pour laquelle dans les attaques qu’il avait initiées en 1990 depuis l’Ouganda contre son propre pays, il avait jugé que les Tutsi touchés par les incursions de son armée ne méritaient pas d’être plaints parce que appartenant à une « race supérieure », ils avaient accepté de rester au Rwanda en 1959 sous un pouvoir des « ibicucu », des gens inintelligents, des idiots et donc sans valeur, les Hutu.

Dès lors, s’éclaire d’un jour nouveau le passage ci-après tiré du Rapport du Projet Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme sous le point 515 :

« On relève également dans ces « discours de sensibilisation » tenus au Nord-Kivu une incitation à la population à chercher, tuer ou aider à tuer les réfugiés hutu rwandais qu’ils appelaient « les cochons ». Cette terminologie aurait été d’utilisation générique pendant les opérations dans cette région ».

Cette essentialisation des populations bantoues est ressortie lors de la Deuxième guerre d’août 1998-janvier 2001 en RDC. Dans les rangs de l’APR, les Congolais étaient appelés « des babouins ». En bestialisant ainsi les populations bantoues, ceux qui s’étaient donnés pour mission d’exterminer les Hutu et les Bantous du Congo s’étaient du coup immunisés contre tout sentiment de culpabilité dans leur entreprise génocidaire. Selon eux, ils ne tuaient pas des êtres humains semblables à eux mais des bêtes, sinon des êtres inférieurs. La requalification à la baisse des crimes commis en RDC réclamée par le gouvernement de M. Kagame et l’impunité qui pourra s’en suivre renforceraient et pérenniseraient davantage dans la région cette idéologie d’un autre âge. Une telle perspective ne serait que plus explosive et compromettante dans la recherche d’une paix durable dans les Grands Lacs africains.

Le Rapport du Projet Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme a le mérite de mettre en lumière, entre autres, que l’opération militaire AFDL/APR/FAB était une entreprise criminelle à plusieurs étages. Le terme de « génocide » utilisé dans ce Rapport et qui provoque l’ire du président Kagame résulte du constat des crimes et de leur caractère par l’Equipe du Mapping. Certes, un Tribunal devra se déterminer dans la qualification de tous ces crimes, mais la suggestion de l’Equipe Mapping est un constat conclusif obéissant à des critères définis par l’article 6 du Statut de Rome de la CPI qui stipule : « Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial, ou religieux, comme tel : a) Meurtre des membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ». A la lecture du Rapport, on ne saurait s’empêcher de voir des similitudes entre la définition du Statut de Rome de la CPI ci-dessus et un certain nombre des crimes décrit dans le Rapport du Projet Mapping. Il n’appartient donc pas à l’ONU de céder au chantage du président Kagame et d’opérer des changements de terminologie pour satisfaire le gouvernement rwandais. L’ONU est-elle prête à assumer cette honte à la face du monde ? Rappelons que nous ne sommes pas dans le domaine de la cosmétique ni dans celui de la chirurgie esthétique. Il s’agit des vies humaines fauchées par un pouvoir établi avec une volonté idéologique d’extermination systématique et planifiée d’une population ciblée en fonction de son appartenance ethnique. Les peuples hutu et congolais ont droit à la justice et le président Kagame qui a toujours brandi le génocide tutsi doit comprendre qu’il n’est pas le seul capable de s’émouvoir devant l’épuration ethnique dirigée contre les siens. Le lifting éventuel de ce Rapport signerait le discrédit des Nations Unies aux yeux des Congolais, des défenseurs des droits humains dans le monde et des nations éprises de paix.

Les Congolais conscients du caractère maffieux des rapports existant entre certains hauts dirigeants politiques et militaire de la RDC et le régime de M. Kagame n’attendent rien du gouvernement congolais, dont un grand nombre d’animateurs sont issus des groupes armés tels que l’AFDL, le RCD ou le CNDP et susceptibles de poursuites judiciaires selon le Rapport du Projet Mapping. Malgré des déclarations antérieures telles que celle faite par M. « Joseph Kabila » dans son discours prononcé devant l’Assemblée générale de l’ONU lors de sa cinquante-huitième session, à la 10e séance plénière, disant : « la RDC croit à l’établissement d’un Tribunal pénal international pour la RDC pour faire face aux crimes de génocide, crimes contre l’humanité, y compris le viol utilisé comme instrument de guerre et les violations massives des droits de l’homme », les Congolais dans leur ensemble savent qu’il n’y a aucune volonté politique dans le chef du gouvernement de la RDC pour la création d’une telle juridiction. Si, comme il le dit, la RDC, c’est-à-dire les Congolaises et les Congolais, y croit, le président actuel de la RDC n’y croit pas et n’a aucun moyen d’y croire. Faut-il le rappeler ? M. « Joseph Kabila » a servi dans l’AFDL et a été entre autres à la tête des troupes qui ont commis des massacres à Kisangani. Comment voulez-vous que dans ces conditions que le président de la RDC impulse son gouvernement pour que justice soit rendue à celles et ceux-là mêmes qu’il a contribué à massacrer ?

Complices dans le crime avec l’APR de M. Kagame, le chef de l’exécutif de la RDC entraînera son gouvernement à récuser le Rapport qui reconnaît enfin et exhume aux yeux du monde les crimes commis contre les Congolaises et les Congolais. Souffrez donc, Monsieur le Secrétaire Général, que je vous dise que la voix du gouvernement congolais allant dans le sens d’une retouche voire d’un rejet du Rapport du Projet Mapping ne reflète pas la volonté du peuple congolais et n’engage en rien ce dernier. N’est-il pas surprenant et incompréhensible que les autorités d’un pays lacéré et humilié de toute part par des armées étrangères se livrent à une critique en règle d’un Rapport qui ouvre enfin la voie de la justice et de la reconnaissance pour leurs propres populations ? Non, les représentants du FPR grimés en Congolais et les courtisans congolais placés à la tête de notre pays ne peuvent pas crier la soif de justice qui nous habite nous Congolaises et Congolais. Ils sont incapables de relayer et de donner une résonance exacte de la colère et de la rage contenues dans nos cœurs. Ils ne sont pas à même de traduire dans les faits la volonté du peuple congolais de laver l’affront et l’humiliation qui lui sont faits depuis 15 ans ! La préoccupation actuelle du gouvernement de M. « Joseph Kabila » et la même que ses compères de crime à Kigali ; sauver sa peau et de ce fait son pouvoir, la justice pour le peuple congolais étant le cadet de ses soucis.

Monsieur le Secrétaire Général, voici ce que le peuple congolais attend de l’ONU et qu’il crie du fin fond de nos campagnes de Beni-Lubero, de Luberizi, de Luvungi, de Kiwanja, de l’Ituri et que je vous transmets par écrit en majuscule :

RENDEZ JUSTICE AU PEUPLE CONGOLAIS ET A TOUTES LES VICTIMES EXTERMINÉES EN R.D.C. QUE TOUS LES COMMANDITAIRES ET SOUS-TRAITANTS PHYSIQUES ET MORAUX, OCCIDENTAUX, AFRICAINS ET AUTRES, DE L’ENTREPRISE CRIMINELLE PERPÉTRÉE EN RDC SOIENT JUGÉS. LA REQUALIFICATION À LA BAISSE DE CES CRIMES CONSTITUE EN ELLE-MÊME UN CRIME, UN MÉPRIS POUR LES VICTIMES ET LEURS FAMILLES ET UNE HUMILIATION POUR LE PEUPLE CONGOLAIS.

C’est la seule et unique voie pouvant nous conduire à la paix et à la réconciliation dans la région des Grands Lacs africains qui saigne depuis trop longtemps.

Selon l’orientation que vous prendrez, Monsieur le Secrétaire Général, l’histoire vous jugera, les Congolaises et les Congolais ainsi que le monde entier prendront acte des suites que vous donnerez aux souffrances de notre peuple. Car, pour nous, aucun intérêt ni aucune autre considération ne doit bafouer le droit à la justice de tant de vies d’hommes et de femmes supprimées en République Démocratique du Congo par la soif de pouvoir absolu et de suprématie ethnique et idéologique d’une poignée d’hommes.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire Général, mes salutations distinguées. Très haute considération.

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